Figure incontournable de l’entrepreneuriat français, c’est un personnage à part dans le paysage économique. Dans. cette interview chez Hardisk, Xavier Niel, fondateur de Free, initiateur de projets éducatifs comme l’école 42, et investisseur prolifique dans la French Tech, il incarne une vision audacieuse, alternative et profondément ancrée dans l’innovation. De son passé de codeur autodidacte à la tête d’un empire des télécoms, en passant par ses engagements dans l’éducation, les médias et l’intelligence artificielle, Xavier Niel n’a cessé de casser les codes établis.

De l’ordinateur familial à l’entrepreneuriat : les débuts d’un génie du code

Une passion précoce pour la technologie : Tout commence à Créteil, dans une famille modeste. À 14 ans, son père lui offre un ordinateur. Ce cadeau déclenche une passion pour le code. Très vite, il développe des programmes en BASIC, puis en assembleur. C’est l’époque du Minitel, une technologie que Niel va exploiter pour créer ses premiers services, bien avant l’avènement du web.

L’ascension dans les télécoms, de WorldNet à Free : Dans les années 90, il co-fonde WorldNet, l’un des premiers fournisseurs d’accès à Internet en France. Mais c’est avec Free, lancé en 1999, qu’il bouscule véritablement le marché. En 2002, il invente la Freebox et le concept de triple play (Internet, téléphonie, télévision) à un prix révolutionnaire : 29,99 €. Une offensive tarifaire inédite qui force tout le secteur à s’adapter.

La stratégie Free : casser les prix et les monopoles

Une philosophie : faire plus avec moins. Xavier Niel n’a jamais cru aux modèles lourds et hiérarchiques. Chez Free, pas de marketing traditionnel, peu de support client au début, mais une efficacité redoutable : fabrication maison de la box, développement logiciel interne, optimisation des coûts… Une approche frugale mais visionnaire.

Le choc du mobile en 2012 : “On fait de la marge”. L’arrivée de Free Mobile bouleverse l’industrie. Les forfaits sans engagement à 2 € ou 19,99 € tranchent avec les prix élevés des opérateurs historiques. Lors de la keynote de lancement, Niel lance sa fameuse phrase “On fait de la marge !”, provocante et percutante. Free montre qu’il est possible de proposer mieux, pour moins cher.

Un engagement fort pour l’éducation : l’école 42 et l’apprentissage libre

Une alternative aux grandes écoles : Xavier Niel, qui a quitté l’école très jeune, croit fermement que le système éducatif traditionnel ne convient pas à tous. Il fonde l’École 42, gratuite, ouverte à tous et sans condition de diplôme. Sa méthode repose sur le peer-to-peer learning et l’auto-apprentissage.

Casser les barrières sociales : L’école 42 et l’ÉMI (École Européenne des Métiers de l’Internet) s’adressent aussi à ceux issus de milieux moins favorisés. L’objectif : révéler des talents ignorés, notamment dans les quartiers populaires. Pour Niel, “il n’y a pas de raison que le 16e ait plus de talents que le 93.”

Xavier Niel et les médias : entre engagement et controverse

Actionnaire du Groupe Le Monde, de L’Obs et de Brut : Niel s’implique dans les médias avec une constante : offrir de la valeur ajoutée. Pour lui, ce n’est pas le support qui compte (papier ou digital), mais le contenu. Il croit à la coexistence des grands groupes et des créateurs indépendants sur YouTube ou Twitch.

Défenseur de l’indépendance éditoriale : Critiqué pour ses investissements dans la presse, il rappelle qu’il agit comme soutien financier, sans intervention éditoriale. Pour lui, un média doit “créer de la valeur intellectuelle” pour survivre.

L’intelligence artificielle : la nouvelle frontière

La fondation Kyutai : une IA française souveraine. En 2023, Xavier Niel cofonde Kyutai, un laboratoire de recherche en IA aux côtés d’Éric Schmidt (ex-Google) et Rodolphe Saadé (CMA-CGM). Objectif : créer des modèles d’IA puissants, ouverts et européens.

Investir pour garder les talents en France : Kyutai mise sur la puissance de calcul (supercalculateurs Nvidia) et sur l’excellence des chercheurs formés en France. Pour Niel, “si on n’essaie pas, on n’a aucune chance.” Le projet incarne une volonté de souveraineté numérique face à la domination américaine.

Station F : un tremplin pour les start-ups françaises

Le plus grand campus de start-ups au monde : Créé en 2017, Station F rassemble plus de 1000 start-ups dans un espace de 34 000 m² à Paris. Ce lieu unique vise à dynamiser l’écosystème tech français en offrant un accès facilité à l’accompagnement, aux financements et au réseautage.

Favoriser l’ascenseur social. Comme pour l’école 42, Station F veut être un vecteur d’égalité des chances. L’idée : permettre à tous, peu importe leur origine, de tenter leur chance dans l’innovation.

Polémiques, audace et résilience

L’affaire Google – Free : une guerre de peering. En 2013, Xavier Niel bloque temporairement les publicités Google sur les Freebox, pour protester contre le déséquilibre du trafic vidéo de YouTube. Une manière d’alerter sur la domination des GAFAM et sur les coûts d’infrastructure injustement répartis.

Optimisme inébranlable : Même après des erreurs ou des critiques, Niel garde la tête froide. “J’ai un cerveau qui gomme tout ce qui n’a pas marché.” Pour lui, demain est toujours meilleur qu’aujourd’hui, et chaque conflit est une opportunité d’apprendre ou de transformer.

L’héritage d’un entrepreneur pas comme les autres

Xavier Niel est bien plus qu’un simple patron de télécoms. Il est un bâtisseur, un agitateur et un humaniste numérique. À travers Free, il a offert du pouvoir d’achat aux Français. Avec 42 et Station F, il a changé des vies. Et avec Kyutai, il ambitionne de rendre l’Europe compétitive dans l’intelligence artificielle.

Son parcours, fait de provocations, d’innovations et d’idéalisme, inspire une génération d’entrepreneurs. Il ne cherche pas à remplacer les institutions, mais à offrir des alternatives. Une philosophie qui résonne particulièrement à l’ère de l’autonomie, de la créativité et de la réinvention permanente.